par Adrien Welsh, membre du LJC
Au cours des six derniers mois, les 20 patrons les plus riches du Canada ont accumulé une fortune de 37 milliards de dollars, soit près de 2 milliards chacun – comme quoi la pandémie n’affecte pas la lutte des classes… Parmi ces vingt familles, celle du pharmacien et homme d’affaires Jean Coutu, figure illustre du Québec.inc et propriétaire du monopole pharmaceutique éponyme. Sa fortune est passée de 3,2 à 3,6 milliards de dollars, soit une augmentation de 400 millions.
Cette augmentation, déjà scandaleuse lorsque l’on sait qu’avec la pandémie, des millions de travailleur-euses à travers le pays se sont retrouvé soit sans emploi, soit privés de la majorité de leurs heures de travail, devient outrancière lorsque l’on sait que depuis le 23 septembre dernier, les 680 travailleur-euses des entrepôts de Jean Coutu à Varennes sont en lock-out. En effet, devant des négociations qui achoppent notamment sur le refus de la partie patronale de consentir à une prime de risque (pourtant accordée aux employé-es de Métro, société-mère de Jean Coutu), les manutentionnaires ont enclenché une grève de 24h à laquelle l’employeur a répondu imposant un lock-out.
Alors que Métro a vu ses bénéfices grimper de 20% lors du troisième trimestre, la compagnie refuse d’accorder plus de 2% d’augmentation salariale. De plus, elle coupe l’assurance-médicament pour les lock-outés qui sont forcés, en pleine pandémie mondiale de COVID19, assurer à 100% leurs dépenses en médicaments et ce, sans leurs revenus habituels.
Le syndicat (CSN) a également constaté que la partie patronale, toujours plus avide de profits, embauche des briseurs de grève, tout pour accroître l’ire des employé-es. Malgré l’existence d’une loi rendant illégale ces pratiques, il reste que celle-ci est si peu contraignante qu’elle est facilement contournable, un mécanisme dont le patronat se sert à toute occasion venue. Outre la mauvaise foi avouée de l’employeur, cette pratique représente un facteur de risque quant à la santé et sécurité au travail : remplacer des travailleur-euses qualifiés, formés et compétent par d’autres peu ou prou aguerris à la tâche, dont certains seront amenés à manipuler des produits toxiques, les risques d’accidents se voient augmentés considérablement.
Ajoutons que le syndicat avait, avant d’identifier le recours à des scabs, eu vent du fait que nombreuses employées de bureau (majoritairement des femmes) étaient appelées à travailler des quarts de 16 heures – soit une journée laborale double – partagée entre le travail administratif et le travail manutentionnaire. Les responsables syndicaux s’inquiétaient du facteur de fatigue et des dangers d’accidents qui y sont liés.
La détermination des salarié-es ne faiblit pas. En même temps, tous et toutes cherchent à reprendre les négociations le plus rapidement possible. En ce sens, le 2 octobre dernier, les lock-outés ont voté à 97% une proposition de contre-offre présentée à la partie patronale.
La réduction des activités dans l’entrepôt qui approvisionnent les pharmacies de la chaîne du Québec, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick génère un impact significatif sur la distribution de médicaments dont plusieurs sont rationnés à 30 jours. Métro et Jean Coutu ne s’en prennent pas seulement aux salarié-es, mais aussi aux Québécois-es dont l’accès à certains médicaments pourrait être compromis – et ce, en pleine période de pandémie.
Triste ironie du sort, une entreprise censée avoir pour mission la distribution de produits pharmaceutiques et alimentaires (Métro) préfère, malgré la crise sanitaire et le danger de dépression économique, imposer un lock-out à ceux et celles qui sont à l’origine de la distribution des médicaments en pharmacie plutôt que de s’assurer de la disponibilité de ces biens de première nécessité. C’est là le propre du capitalisme. Métro, Jean Coutu et consort n’ont que faire des produits vendus en magasin : tout ce qui leur importe, c’est de s’assurer de maintenir un chiffre d’affaires satisfaisant pour les actionnaires qui se partagent entre eux les fruits du travail non rémunéré de leurs salarié-es.
Dans cette perspective, les 2 millions de dollars en don du groupe Métro à quelques organismes de charité en mars dernier, soi-disant comme geste de solidarité devant la pandémie de COVID19, n’apparaissent que comme une vulgaire opération de communication. Au mieux…
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