un dessin d'une bande transporteuse avec des logos de constructeurs automobiles à Windsor

De fausses promesses pour les travailleurs de l’automobile

par J. G. Markham, membre de la YCL-LJC Windsor-Essex (traduction par Igor Sadikov)

par J. G. Markham, membre de la YCL-LJC Windsor-Essex (traduction par Igor Sadikov)

This article will be made available in the original English in the upcoming 26th print issue of Rebel Youth — Jeunesse militante. Subscribe here to read it!

« L’impérialisme est le capitalisme monopoliste ; le capitalisme parasitaire ou pourrissant ; le capitalisme agonisant. La substitution du monopole à la libre concurrence est le trait économique capital, l’essence de l’impérialisme. » – V. I. Lénine, L’impérialisme et la scission du socialisme, 1916

Il y a bien longtemps, les Big Three (les usines automobiles de GM, Ford et Chrysler) étaient considérées comme le moteur de la région de Windsor-Essex, les nombreuses usines d’approvisionnement et d’alimentation formant les roues de ses engrenages. Mais le moteur métaphorique s’est usé et est tombé en panne. GM a abandonné notre ville ; il ne reste plus que les vieilles carcasses délabrées de ses usines. Ford n’est que l’ombre d’elle-même, n’ayant conservé que l’usine de moteurs à essence. Chrysler, qui sera bientôt Stellantis, a mis fin à la plupart de ses activités d’usine ici : il ne reste qu’une seule usine. Le troisième quart de travail de l’usine de montage de Windsor a été supprimé, ce qui a coûté environ 1 500 emplois et entraîné des centaines de licenciements. De plus, l’usine a été fermée pendant trois semaines afin que Chrysler puisse « s’adapter à la demande du marché », alors qu’en pleine pandémie, Chrysler a gardé l’usine ouverte autant que possible pour éviter toute baisse de production.

Nous n’avons même pas pris en compte le nombre d’autres emplois qui ont été affectés par la suppression du troisième quart. Selon David Cassidy, président de la section locale 444 d’Unifor, « pour chacun des emplois de l’usine de montage de Windsor, il s’agit de 10 emplois indirects dans la communauté ». La section locale 444 d’Unifor a continué à faire pression sur Chrysler pour la production de nouveaux véhicules dans l’usine, en affirmant qu’un nouveau véhicule électrique pourrait être vital pour l’avenir socio-économique de Windsor-Essex. 

Parallèlement aux récentes négociations de convention collective avec Ford, Unifor s’est préparé à une action de grève suite à une impasse dans les négociations avec Fiat Chrysler Automobiles (FCA). Cependant, un accord a été ratifié et une grève a été évitée, Unifor revendiquant la victoire. D’autres négociations avec GM ont commencé dans la semaine du 25 octobre. Il n’y a pas eu de grève à l’usine de montage de Windsor depuis 1987, donc les résultats sont attendus avec impatience.

Bien que cela semble être une bonne nouvelle, soyons prudents. La FCA s’est engagée à éviter les licenciements additionnels, de produire de nouveaux véhicules d’ici 2025, de reprendre le troisième quart de travail et de créer 2 000 emplois supplémentaires d’ici 2024, le tout après le prochain contrat. Ces engagements rappellent ceux pris par Nemak, le fabricant de pièces automobiles, qui a donné l’apparence d’investir à Windsor, a reçu sa part de l’argent des contribuables (comme Ford) et s’efforce maintenant de quitter la ville. À Oshawa, GM avait promis de rester jusqu’à la fin de la convention collective, avant de faire volte-face et de s’en aller ailleurs. Même si GM revient, ce ne sera pas comme avant : les travailleurs verront moins d’emplois, des salaires plus bas et plus de postes contractuels.

La fermeture de l’usine de montage de Windsor s’est terminée au moment où les négociations ont pris fin, mais on s’apprête à la fermer de nouveau. Juste avant les fêtes et pendant une pandémie mondiale, les travailleurs et leurs familles sont financièrement coincés. L’aide gouvernementale, les allégements fiscaux et les investissements en emploi se sont transformés en profits pour les entreprises et en pertes pour la classe ouvrière. Magna International, un employeur de Windsor et l’une des plus grandes entreprises du Canada, fait maintenant la plupart de ses affaires au Mexique. Des accords tels que l’accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) permettent à des entreprises comme Nemak, Magna, GM et FCA de déplacer facilement et librement leurs activités ailleurs, en cherchant à faire des bénéfices pour un petit groupe de personnes et en laissant les communautés de travailleurs pour compte. En outre, l’automatisation, la robotique et l’intelligence artificielle arriveront tôt ou tard, en particulier dans le secteur industriel, et les moyens de subsistance sont en jeu car l’automatisation menace de remplacer les travailleurs.

Fin 2019, Nemak a décidé de fermer ses portes à Windsor, jetant plus de 200 personnes à la rue. Leur dernier jour de travail était le 18 octobre 2020, à la suite d’une longue lutte au cours de laquelle les travailleurs se sont emparés de l’usine. Pourquoi fermer ses portes dans une communauté travailleuse et dévouée ? La réponse est simple : pour délocaliser le travail dans des pays moins chers et pour amasser plus d’argent pour les échelons supérieurs de l’entreprise. Ce retrait n’a été effectué qu’après que des millions de dollars aient été injectés dans l’entreprise par les autorités municipales, provinciales et même fédérales.

La bataille juridique en cours avec Nemak et Unifor continue de se dérouler, suite à l’appel réussi d’Unifor le 7 octobre, dans lequel les juges ont décidé que Nemak et son arbitre ont induit en erreur, mal informé ou mal interprété les informations concernant leur convention de 2015. L’arbitre doit réexaminer l’affaire et Nemak a déclaré être « confiante » d’avoir gain de cause. Malgré cela, le maintien de la convention collective pour l’heure marque une petite victoire pour Unifor et ses membres, qui ont fait preuve d’une résistance militante.

Les désastreux accords de libre-échange néolibéraux comme l’ACEUM ou l’ALENA permettent aux entreprises de déplacer facilement leurs opérations à l’étranger, en exploitant les populations vulnérables du Sud – pour dire les choses simplement, c’est le nouveau visage de l’impérialisme. Les entreprises insistent sur le fait que ces accords vont réduire les coûts, nous donner plus de choix et créer des emplois. Mais le bilan est clair : des taux de syndicalisation plus faibles, des emplois plus précaires, une dette étudiante plus élevée, un coût de la vie et une inflation plus élevés, des salaires stagnants et une monopolisation accrue ! Il s’agit tout simplement d’une imposture ; c’est une illusion qui ne sert qu’à avantager les riches. N’oublions jamais que ces politiques néolibérales sont une guerre contre la classe ouvrière, une guerre contre les syndicats et un moyen d’extorquer les travailleurs en les menaçant de partir sur un coup de tête.

Le Parti communiste du Canada a longtemps plaidé en faveur d’une voiture canadienne de fabrication publique, avant même le Pacte de l’automobile des années 1960. Il fut un temps où seulement 3 % des véhicules vendus au Canada étaient fabriqués par les États-Unis, mais en 1968, bien plus de 40 % des véhicules étaient fabriqués aux États-Unis. Les Big Three, des entreprises américaines, ont bénéficié d’avantages commerciaux qui n’étaient pas accessibles à leurs concurrents. Pourtant, les capitalistes se vantent toujours de la façon dont leur système « favorise l’innovation et la concurrence » – ironie du sort ! Les résultats de cette soi-disant « innovation et concurrence » sont évidents : Volvo a décidé de faire ses valises à Halifax, la société invoquant l’ALENA et la mondialisation comme raison principale. Au Mexique, les travailleurs gagnent moins qu’avant la signature de l’ALENA de 1994, qui a entraîné le déracinement de plus de deux millions d’agriculteurs en raison des importations américaines, avec un chômage en hausse, sans tenir compte des coûts environnementaux et écologiques négatifs. Les taux de syndicalisation ont chuté au Canada et aux États-Unis, érodant les droits des travailleurs et maintenant la stagnation des salaires. Dans les pays du Sud, les taux de syndicalisation sont extrêmement bas, les conditions de travail sont déplorables et exploitables, les salaires sont bas et les heures de travail sont longues.

Nous avons déjà abordé l’ACEUM/ALENA dans Jeunesse Militante, dans « The Economics of Austerity » (18 mars 2020) ; cet article passe également en revue le discours de la chef du Parti communiste du Canada, Elizabeth Rowley, à Windsor, dans lequel elle promeut la vision du PCC d’instituer un constructeur automobile canadien socialisé et public. 

Ainsi, Windsor exige : Socialisons les Big Three ! Socialisons l’usine de montage de Windsor, Magna et Flex’N’Gate ! Le Canada est en mesure de fabriquer son propre véhicule et il est grand temps que nous le fassions. Arrêtons les licenciements et les concessions. Arrêtons l’impérialisme et l’exploitation ! Exigeons la fin du travail précaire et plaidons pour un travail à temps plein et digne pour tous. Nous le disons haut et fort : les besoins des gens avant la cupidité des entreprises !