Une photo de Charles Tillon assis à un bureau.

Il y a 80 ans, un jour avant De Gaulle, les Communistes appellent à résister

Alors que tous et toutes se souviennent de l’Appel du 18 juin lancé par De Gaulle, celui de Charles Tillon, dirigeant communiste, est souvent passé sous silence. La raison? Probablement que d’admettre qu’un communiste appelle à résister avant De Gaulle ne s’accorde pas avec l’Histoire officielle selon laquelle le PCF aurait versé dans la collaboration jusqu’en 1942.

Adrien Welsh

Aujourd’hui 17 juin marque le 80e anniversaire de l’Appel lancé par Charles Tillon, dirigeant communiste français, enjoignant les Français-es à résister contre l’envahisseur allemand. L’Armistice n’est signée que le 22 juin entre les représentants du Reich et Pétain. La collaboration n’est donc pas encore actée, De Gaulle lui-même n’a pas encore lancé son appel que les communistes s’engagent déjà dans la Résistance. Pourtant, c’est l’appel de De Gaulle, prononcé le lendemain depuis Londres (et non pas depuis la France occupée) qui pass à l’Histoire. 


Si les deux textes, dans l’ensemble, appellent à résister contre l’Occupation, il reste que fondamentalement, l’appel des communistes diffère en ce sens qu’il n’appelle pas les Français-es à rejoindre De Gaulle à Londres ni à s’appuyer sur l’impérialisme états-unien et britannique. Le but de De Gaulle est clair dès son appel du 18 juin: rétablir l’impérialisme français. Les deux décennies d’après-guerre marquées par les guerres sanglantes et massacres coloniaux de l’Indochine à l’Algérie en sont un exemple éloquent. 

Les Communistes quant à eux, s’ils appellent à l’unité des patriotes français, sont d’emblée clairs sur ce fait: ce sont les gouvernements bourgeois qui ont “livré à Hitler et à Mussolini l’Espagne, l’Autriche, l’albanie et la Tchécoslovaquie… Et maintenant, ils livrent la France. Ils ont tout trahi. Après avoir livré les armes du Nord et de l’Est, après avoir livré Paris, ses usines, ses ouvriers, ils jugent pouvoir, avec le concours de Hitler, livrer le pays entier au fascisme.” (Appel du 17 juin de Charles Tillon)

En effet, si Pétain a dû essuyer l’affront de capituler dans le wagon de Rethondes, c’est bien parce qu’en tant que la classe dirigeante française a déjà fait le choix de la défaite. Motivés pour beaucoup comme Louis Renault et Coco Chanel (qui servira d’ailleurs comme agent de liaison pour le Reich), il s’agit d’une opportunité de revanche contre les grèves et les conquêtes sociales de 1936 et du Front populaire. 

Le PCF clandestin, soucieux de diffuser au mieux possible à la fois son analyse de la situation et d’inciter à la Résistance produit d’ailleurs un second document daté du 10 juillet 1940, plus long et plus détaillé. De plus, dès le 6 juin, Georges Politzer transmettait au gouvernement, au nom du PCF, des propositions de mobilisation populaire pour la défense de Paris. 

Ainsi, l’appel du 17 juin de Charles Tillon ne saurait être une anomalie dans l’histoire d’un PCF que la classe dirigeante, dans sa tentative de réécrire l’Histoire selon ses propres intérêts, présente comme ayant versé dans la collaboration avant 1942. Au contraire, cet appel fait partie d’efforts innombrables de la part des Communistes dans la mobilisation en premier lieu, de la classe ouvrière, mais aussi de la France entière contre le fascisme et l’occupation. 

Pourtant, les Communistes, en France comme ailleurs, y compris en URSS, ont toujours été les plus ardents défenseurs de l’unité antifasciste. Du rapport Dimitrov de 1935 à la Guerre d’Espagne, pendant que la bourgeoisie pactise avec Hitler, les Communistes s’organisent. On nous parle souvent du Pacte Molotov-Ribbentrop comme d’une trahison – encore aujourd’hui bien utile lorsqu’il s’agit de promouvoir l’adéquation entre communisme et fascisme – on oublie trop souvent que le premier pacte avec les Nazis a été signé un an plus tôt à Munich. On oublie également que malgré cet affront aux démocrates et antifascistes du monde entier, les Communistes continuent, jusqu’à la dernière minute, de rallier les démocraties occidentales, y compris celles qui ont signé Munich, à une lutte antifasciste commune. Mais pour ces “démocraties”, il est clair que le fascisme est une arme sans doute utile pour démanteler l’URSS et laminer les communistes.  

Pour se convaincre de l’honnêteté et de la détermination des communistes à en finir avec la terreur fasciste, il n’y a qu’à lire la fin de cet appel du 17 juin qui n’a rien à voir avec le lyrisme stérile et ambigu de De Gaulle :

“Mais le peuple français ne veut pas de la misère de l’esclavage du fascisme, pas plus qu’il n’a voulu de la guerre des capitalistes. Il est le nombre; uni, il sera la force:

– Pour l’arrestation immédiate des traîtres

– Pour un gouvernement populaire s’appuyant sur les masses, libérant les travailleurs, établissant la légalité du Parti communiste, luttant contre le fascisme hitlérien et les 200 familles, s’entendant avec l’URSS pour une paix équitable, luttant pour l’indépendance nationale et prenant des mesures contre les organisations fascistes.

Peuple des usines, des champs, des magasins, des bureaux, commerçants, artisans et intellectuels, soldats, marins, aviateurs encore sous les armes, unissez-vous dans l’action !”